vendredi 20 mai 2016

Immigration et flux de réfugiés, atoût ou handicap pour les pays d’accueils ?

L’immigration est-elle une chance décisive ou une déficience et un désavantage pour le pays d’accueil ? Voilà une question qui a soulevé de nombreux débats, de planton aux rapports des organisations internationales comme l’OCDE, en passant par d’innombrables chercheurs, philosophes, démographes, économistes, sociologues ou journalistes.

Aujourd’hui elle alimente toujours bien des controverses en Europe face à l’augmentation des flux de réfugiés poussés au départ par les conflits du Moyen-Orient et d’Afrique. 

Il faut toutefois résolument différencier l’immigration et le statut de réfugiés. Au niveau sociologique, l’immigration est à la fois un événement qui touche la vie des gens et un phénomène qui touche les pays d’accueil, les pays de transits et les pays de destination. Mais bien qu’elle soit toujours le fruit d’interaction complexes (facteurs de répulsions du pays d’origine, facteurs d’attractions du pays cible, existence de réseaux familiales ou communautaires, historique, linguistique, etc.), ses caractéristiques dominantes résident dans sa logique volontaire et dans une dynamique essentiellement dominée par la recherche d’une vie meilleure pour soit et/ou pour sa famille.

Les déplacements de réfugiés sont elles aussi à la fois des événements et des phénomènes.  Mais la similitude s’arrête là. Car au contraire de l’immigration, le déplacement de réfugiés en appel à une autre logique. Elle n’est pas le fait du souhait de l’individu ou de contraintes économiques mais bien de contraintes ou de persécutions qui induisent un choix somme toute bien plus réduit que celui des enjeux purement pécuniers ; rester et être en danger chaque jour, ou prendre le risque de partir avec l’espoir d’une vie nouvelle au bout du chemin pour soit et/ou pour sa famille.

C’est une distinction relativement récente si on considère que, dans l’histoire de humanité, les migrations ont toujours existé et contribué à la structuration et au développement des sociétés humaines. Alors les flux migratoires que l’on peut qualifier de traditionnels trouvaient leurs origines dans des conflits armés, des catastrophes naturelles d’ordre climatique par exemple ou encore à cause de famine, d’une détérioration rapide des conditions de vie et d’une augmentation de la misère. Les mutations que ce phénomène a connue reposent sur l’évolution des liens historiques, coloniaux et/ou linguistiques. Mais aussi sur des tendances nouvelles, avec notamment la mondialisation des échanges, l’accélération des flux, la mobilité des personnes mais aussi avec un élargissement du nombre de pays et des types d’individus concernés par l’immigration.

Au niveau légal aussi les différences sont fondamentales. Le droit d’asile ayant valeur constitutionnelle contrairement à l’immigration, qui dépend bel et bien des choix politiques du pays en la matière ou des traités internationaux auxquels il se réfère.

Bien que les études, analyses, articles ne manquent pas sur le sujet, les conclusions y sont souvent contradictoires. Cela s’explique en partie par le manque de données statistiques chiffrées. Car prendre au pied de la lettre les études statistiques revient à poser plusieurs postulats qui méritent d’être interrogés. D’abord l’idée que l’immigration est un phénomène contrôlable. Alors qu’elle échappe en grande partie à la vigilance de l’état. Ensuite qu’elle ait un impact suffisamment important pour qu’il soit mesurable, ce qui reste à vérifier. Enfin que les données disponibles dans tel ou tel pays puissent être comparées entre elles, alors que les définitions et donc les méthodes statistiques diffèrent d’un Etat à l’autre. 

L’immigration pose de nombreuses questions, et génère même des angoisses dans toutes l'Europe ; d’ordres économiques, sociologiques ou culturels. Sur le volume d’emploi disponible, la préservation de l’identité culturelle, etc. La dimension européenne, la perméabilité des frontières internes et externe à l’Union, la libre circulation des biens mais surtout des personnes renforcent aussi ce sentiment de vulnérabilité. 

Pourtant si l’on considère les 500 millions d'individus qui peuplent les états Européens, les risques d'une quelconque invasion sont susceptibles d'être écartée relativement rapidement.

Sur le plan culturel on constate que de nombreuses innovations (qu’on peut ou non apprécier) sont le fruit de métissage et contribue à l’enrichissement du pays cible. A titre d’exemple dans les grandes métropoles multiculturelles on peut désormais acheter des produits ou goûter à des plats pour lesquelles ont auraient dû voyager des milliers de kilomètres il y a quelques décennies encore. Dans cet perspective, la musique est également une illustration des influences culturelles croisées entre culture d’origine et culture d’accueil ; la Rumba, le Rap, la Soul, le Raï ou le Jazz sont à ce titre des innovations produits par des nœuds de confluences culturelles complexes. On pourrait citer de nombreux autres domaines ou les influences culturelles se sont exprimées dans une dynamique créatrice ; L’architecture, les arts en générales comme la littérature ou la peinture, et même les sciences. Car l’immigration n’est pas seulement un mouvement d’êtres humains, mais aussi un transfert d’histoires et d’expériences. Des phénomènes que les statistiques peinent à traduire en donnée.

Sur le plan économique la plupart des études sérieuses sur le thème soulignent la difficulté d’atteindre une conclusion tranchée. Le fait que l’immigration capte une partie des emplois que les nationaux pourraient occuper n’est pas avéré. La plupart de ces emplois étant des métiers très peu rémunéré ou valorisant socialement. Des métiers que  les nationaux rechignent à occuper. D’ailleurs, même si l’immigration occupe de fait des emplois qui pourraient, en théorie, intéressés des nationaux. Elle contribue également à l’augmentation de la demande de biens et de services sur le territoire. Ce qui a une incidence favorable sur la demande de main-d’œuvre. Ce bénéfice ne semble pas toujours également réparti et certains groupes, notamment ceux dont le travail est substituable à celui des immigrés (main-d’œuvre non ou peu qualifiée par exemple), sont mis en compétition avec ces actifs issus de l’immigration.

Sur le plan démographique, si on regarde les chiffres démographiques officiels, on est loin d’assister à une déferlante migratoire sur l’Europe. En 2010 on estime qu’environ 9% de la population européenne était née à l’étranger (hors UE). Même si la relative prospérité et stabilité de la zone ne manque pas d’attirer un nombre important de migrants. Il faut d’ailleurs préciser que ce solde migratoire contribue au maintien d’un certain équilibre de la pyramide des âges en Europe et palie au vieillissement de la population.  

Cette contribution n’est pas sans lien avec les enjeux économiques. Car on considère que le vieillissement de la population conduit à une diminution de la population active. Diminution qui engendre de multiples effets négatifs sur l’activité économique. L’OCDE présente dans son rapport sur l’immigration en 2000 des conclusions similaires. Selon l’organisation, le flux migratoire à une incidence directe sur l’effectif de la population active. La population d’immigrant étant majoritairement composée de jeunes actifs.

Pourtant si l’immigration contribue à l’équilibre démographique cela ne signifie pas qu’elle réalise cette équilibre. En effet certaines études sur la question indiquent que le maintient d’un ratio tolérable de dépendance générationnel (population totale/population d’actif), lié à la pérennité du système de retraite notamment, impliquerait un énorme accroissement du solde migratoire et donc à une augmentation significative de la population totale qui pourrait entrainer des effets indésirables sur les finances et l’économie des états. [1]

L’immigration est réputée pour être couteuse. L’idée communément répandue veut que les immigrés soient de grands consommateurs de prestations sociales. La question sous jacente étant la manière dont l’immigration affecte les dépenses publiques d’un pays. Plus précisément, il s’agit de déterminer si l’immigration fait peser sur les systèmes de protections sociales, d’éducations et de santés une charge supplémentaire qui ne serait pas compensée par des recettes fiscales additionnelles?

Ici aussi les conclusions manquent de clartés. Selon l’OCDE les résultats sont fonctions de la méthodologie adoptée, de la période et des hypothèses posées. Pourtant n’en déplaise à l’opinion publique, il semble que les effets de l’immigration sur la fiscalité soit en réalité au pire inexistant, au mieux légèrement positif.

Les personnes nées à l’étranger ont en effet moins de chances de recevoir une aide des pouvoirs publics que les personnes présentant des caractéristiques (de revenus, de situations familiales, etc.) similaires mais nées dans le pays. Car ces aides sont souvent délivrés sur des critères nationaux. Et même lorsqu’elles bénéficient de tels aides, leurs niveaux de transferts sont légèrement plus faibles que ceux destinés aux populations autochtones. A un niveau purement comptable il semble en fait que l’apport fiscal des immigrés soient légèrement supérieur au surcroit de dépenses publiques dont ils peuvent bénéficier. [2]

De même il est nécessaire de considérer l’objectif des immigrants mais aussi des réfugiés, qui décident d’intégrer le territoire européen. Les deux populations ont des objectifs communs. Accéder à une vie meilleure, à un emploi rémunérateur, être en mesure de créer de meilleur conditions de vies pour soit et pour ses proches. Le plus souvent le profil des actifs issus de l’immigration est donc plutôt celui de jeune, travailleur qui cherche d’avantage à produire de la richesse qu’il pourra redistribuer qu’à vivre à coup d’allocation. Bien souvent les familles ce sont d’ailleurs saigner pour financer le voyage de ces personnes et envisagent ce départ comme un investissement. L’immigrants arrivent donc dans le pays d’accueil en portant une importante pression familiale sur ses épaules, pression qui le motive également à ne pas rester oisif.

Dans le cas des réfugiés, il convient de garder à l’esprit le profil des personnes qui sont susceptibles de fuir les pays situés dans des zones de conflits. Il s’agit majoritairement de personnes ayant un niveau de vie relativement élevé dans les pays de départ. Puisque d’importantes ressources financières sont nécessaires pour mener à bien ce type de périple. Bien souvent les réfugiés sont issus des milieux intellectuelles ou à défaut de la classe moyenne des pays qu’ils fuient et maitrisent au moins une langue étrangère.

Ils constituent donc potentiellement un apport supplémentaire de compétences pour le pays d’accueil.

Les conclusions des études portant sur le sujet conduisent d’avantage à des interprétations qu’à une vision claire de la question. Leurs auteurs eux-mêmes soulignent leurs caractères imprécis et fluctuants, dépendant étroitement des méthodes de recherches employées. Pourtant en balayant l’ensemble des études réalisées, il semble que nous soyons en mesure d’affirmer que l’impact de l’immigration, bien que négligeable, soient un élément qui avantage, ne serait ce que légèrement la réalisation de l’équilibre économique, démographique, fiscale et culturelle du pays d’accueil.

Donc si on ne peut affirmer avec certitude, en l’état actuel de nos connaissances, que l’immigration constitue un avantage décisif pour les enjeux démographiques, culturelles ou économiques des pays d’accueils. On peut néanmoins considérer qu’elle représente un levier puissant qui contribue à cet équilibre et au développement des pays qui reçoivent ses personnes.





[1] Marc Termote, « Causes et conséquences économiques de la migration internationale - théorie et réalité», revues Études internationales, vol. 24, n° 1, 1993, p 55
[2] OCDE 2000, Section VII, Tendances de l’immigration et conséquences économiques, p214

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