vendredi 27 mai 2016

Megalopole européenne et maitrise des flux logistiques, faut-il regarder vers l’Est ?

Une mégalopole est avant tout un puissant nœud de confluence, de rencontre et d’interaction de personnes, de cultures, de flux (financiers, logistiques). Un vortex bouillant et tourbillonnant  qui attire,  distribue, exploite, impact et transforme d’une infinité de manière son environnement direct, le monde, mais aussi elle-même et les éléments qui la composent. Elle est à la fois centre de création (d’innovation, d’art, mais aussi d’émergence de talents), de distribution, de rayonnement (économique, culturel, technique) mais aussi un pôle d’attraction et de captation de flux, de talents, etc.

On comprend donc que d’un point de vue géostratégique le positionnement d’une mégalopole au sein des réseaux d’échanges mondiaux soit un enjeu majeur de son développement.

Les dynamiques d’émergences et d’évolutions d’une mégalopole dans le temps et dans l’espace sont des mouvements qu’il est difficile de saisir pleinement tant ils impliquent une multitude de caractéristiques structurantes et de potentialités. L’idée même de mégapole présente un certain paradoxe. Paradoxe qui pourrait être compris à la fois comme une dissonance et comme une harmonie. Une dissonance que l’on pourrait qualifier de territoriale et qui se traduirait par une fragmentation de l’espace inhérente à la constitution de grands ensembles agglomérés. Une harmonie en tant qu’elle est au cœur du jeu de dépendance et d’interrelation des territoires. Cette interrelation agissant à la fois à l’intérieur d’un ensemble que l’on choisi de caractériser comme mégapolitain mais aussi en dehors de celui-ci avec le monde entier.

La mégalopole semble donc se positionner à l’articulation entre fragmentation et dépendance territoriale. Elle est le cœur d’un système complexe qui doit créer les conditions d’une fluidité des échanges et des interactions au sein de sa sphère d’influence mais aussi vers et avec l’extérieur. Elle est donc à la fois une porte et un relais menant vers d’autres portes.

Or certaines études suggèrent l’émergence d’une vaste mégalopole réticulaire à l’Ouest de l’Europe.

Mégalopole - Le vortex Européen
Elle est issue des représentations d’une "Dorsale Européenne" ou d'une modélisations étendue du "treuillage Européen". 






Ses frontières sont encore confuses mais on pourrait la situer dans un espace comprenant entre autres des métropoles tel que Londres, Rotterdam/Amsterdam, Paris, Berlin/Francfort. Elle se prolongerait dans une moindre mesure vers le Sud, avec Marseille, Barcelone et Milan.  Pour esquisser cet ensemble, ces études se sont basées sur les volumes d’échanges, la densité des outils de production et de réseaux d’infrastructures (d’énergies et de transports), la démographie, mais aussi sur le rayonnement culturel et financier des métropoles qui la composent.  

Pour une mégalopole, maitriser et accompagner les flux de marchandises ou de personnes au niveau infra et supra régionaux sont des enjeux stratégiques déterminants. Non seulement au niveau économique, puisque le secteur logistique pèse près de 130 Milliard d’euros en Europe, mais aussi au niveau stratégique et géopolitique.

La tendance mondiale du transport est au maritime. Le secteur drainant près de 80% des échanges de marchandises dans le monde. Celui-ci à d'ailleurs connue une progression de 3,4% en 2014 pour atteindre le niveau record de 9,8 milliards de tonnes. Une progression significative alors que le commerce mondiale de marchandises connaît lui un léger recul. Cette suprématie s’explique par l’intensification des échanges corrélés à la nécessité d’une réduction des coûts logistiques. Réduction que permet le transport maritime mais surtout la conteneurisation. D’ailleurs la tendance à la conteneurisation est telle que la compagnie Européenne d’Intelligence Stratégique (CEIS) déclare :  "les trafics non conteneurisés sont appelés à disparaître totalement dans les années à venir". Hormis précise le rapport "pour ce qui est des flux régionaux, intra-européen ou méditerranéen par exemple". Le fret conteneurisé ayant en effet connu une hausse de quasiment 6% sur l’année 2014.

L’Ouest de l’Europe avec le positionnement stratégique de ses ports littoraux et les infrastructures modales qui les prolongent dispose d’un potentiel certain. Pourtant de nombreuses interrogations persistent concernant le développement de futures infrastructures.

Pour répondre à ces défis il semble donc nécessaire, de se doter ou de développer, à la fois :

- Des infrastructures portuaires de hautes capacités, capable d’accueillir les flottes de navires conteneurisés et les nouveaux navires vraquiers et métayers de plus en plus imposants.

- Un réseau de ports de tailles moyennes à destination des échanges régionaux et du cabotage.

- Des nœuds logistique multi-modaux (routier, ferré, fluviaux) permettant une pénétration régionale des flux de marchandises.

Importance d’autant plus marquée pour l’Europe, qui doit conserver sa centralité et sa capacité à répartir les flux.

Dès lors il est essentiel de déterminer et de prendre en compte les grandes dynamiques internationales. De ce point de vue, si les volumes d’échanges entre l’Europe et les Etats-Unis sont toujours très importants, l’intensification des flux avec l’Asie et la volonté politique marqué du gouvernement Chinois pourraient modifier les équilibres. En 2014, alors que les échanges trans-pacifique augmentaient d’environ 6%, ceux entre l’Asie et l’Europe ont connu une croissance de plus de 7,5%. L’Asie étant, ce n’est un secret pour personne, la région dominante en terme de volume de marchandise entrante et sortante.

Aujourd’hui la plupart des marchandises venues d’Asie traversent deux océans passant par le canal de Suez ou de Panama avant d’atteindre l’Europe. Toutefois cette situation est sans doute conduite à évoluer et on ne peut donc faire l’économie d’une réflexion stratégique autour des nouvelles routes que ces marchandises emprunteront dans un futur proche. Des projets de grandes ampleurs, comme celui de la  "Nouvelle Route de la Soie" ("one road, one belt"), initié par le gouvernement Chinois en 2013 en partenariat avec la Russie et le Kazakhstan, interroge la pertinence de nos perspectives sur les échanges supra régionaux. Le projet ayant pour objectif de créer une boucle logistiques comprenant l’Asie, l’Afrique et l’Europe.

One Belt, One Road
Nouvelle Route de la Soie

En effet, à l’Est des chantiers titanesques sont initiés en ce moment même. Des projets tels que celui d’un pont enjambant le Détroit de Kertch en Crimée, de l’autoroute de la Mer Noir, de l’aménagement de l’ancienne Route de l’Or reliant historiquement l’Asie et la Scandinavie et passant par le Tatarstan. Des importants investissements réalisés par la RZD (compagnie de chemin de Fer Russe) pour relier toutes les villes Russes par des lignes à grandes vitesses mais aussi l’Asie à l’Europe et même les Etats-Unis par le Détroit de Béring, Le projet de tunnel sous le détroit ayant reçu le feu vert en 2011. Ce développement d’un axe logistique Eurasien s’incarnant également dans l’acquisition de GEFCO, fleuron de la logistique européen, par cette même compagnie ferroviaire Russe, avec l’objectif d’en faire sa tête de pont dans la région.

Si nous ne sommes pas capables de nous associer à ces vastes projets, ils seront menés sans nous et peut-être à notre dépend. Attendre et espérer un échec de nos partenaires serait sans aucun doute une erreur. Ne faudrait-il pas plutôt que l’Europe saisisse ce qui se joue à ses frontières ? Elargisse sa focale au delà du TAFTA et de ses partenaires historiques les plus proches, pour porter son regard vers l’Est, appréhender les changements qui viennent et les accompagner à défaut de les avoir anticiper ? Et sachant que ces vastes projets sont moteurs pour l'économie des états, nous y associer, dans l'esprit des grands travaux qui ont soutenus le développement économique des 30 glorieuses, ne pourrait-il contribuer à la reprise économique en Europe ?


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